Le risque croissant de désinformation et mésinformation

Article23 juillet 2024

La désinformation et la mésinformation représentent un défi croissant pour les décideurs politiques, les entreprises, la stabilité sociale et la démocratie elle-même.

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En 2017, année de l’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, « fake news » est devenu le mot de l’année du dictionnaire Collins.

Depuis ce temps, la désinformation et la mésinformation ont rapidement gravi les échelons des priorités mondiales en matière de risque. Elles ont été propulsées par la perte de confiance dans les institutions médiatiques traditionnelles, la prévalence croissante des guerres de l’information et, plus récemment, les progrès de l’intelligence artificielle (IA).

Même si elles sont souvent utilisées de manière interchangeable, la désinformation et la mésinformation ont des définitions et des implications distinctes. Selon les Nations Unies, la mésinformation est la diffusion accidentelle d’informations inexactes, tandis que la désinformation est non seulement inexacte, mais elle vise principalement à tromper et est diffusée dans le but de causer un préjudice grave.

Le Rapport sur les risques mondiaux 2023 définit la désinformation et la mésinformation comme de fausses informations (délibérées ou non) largement diffusées par les réseaux médiatiques. Le rapport note également que les informations diffusées par des personnalités publiques, des organisations médiatiques et des États peuvent modifier l’opinion publique et éroder la confiance dans l’autorité.

Ces risques ne sont pas entièrement nouveaux. En effet, depuis plus de dix ans, le Rapport sur les risques mondiaux met en évidence la montée des menaces liées à la désinformation numérique. Le rapport de 2013 soulignait que l’hyperconnectivité pouvait entraîner des « incendies numériques » qui feraient des ravages dans le monde réel. Depuis ce temps, nous avons vu ces risques devenir des crises réelles à part entière. Dans le rapport de 2023, les personnes interrogées ont classé la désinformation et la mésinformation au 11e rang des risques à long terme.

Le rôle croissant de l’intelligence artificielle

Le thème de la désinformation a des répercussions sur la politique et les affaires. Les fausses informations générées par l’intelligence artificielle (IA) et diffusées sur les médias sociaux peuvent provoquer la panique des investisseurs à court terme et nuire à leur réputation à long terme. En mai 2023, une photo générée par l’IA d’une explosion au Pentagone a ébranlé les investisseurs et a fait chuter les actions à leur niveau le plus bas depuis le début de la séance.

De plus, la désinformation sera exacerbée par l’utilisation généralisée des robots conversationnels alimentés par l’IA générative. Des recherches récentes affirment que, lorsqu’ils résument des informations, les robots conversationnels créent des hallucinations en moyenne entre 3 et 27 % du temps, selon la plateforme. S’attaquer à ce type de désinformation représente à un défi peu commun pour les organisations. À lui seul, ChatPDT compte plus de 100 millions d’utilisateurs hebdomadaires.

En 2023, la mésinformation et la désinformation ont été identifiées comme des risques de plus en plus graves à long terme. Selon le Rapport sur les risques mondiaux 2023, ces deux risques sont susceptibles d’accélérer l’érosion de la cohésion sociale et de déstabiliser la confiance dans l’information et les processus politiques. La menace croissante de la désinformation et de la mésinformation fait qu’il est plus important que jamais de mettre en place une stratégie d’atténuation des risques. Pourtant, des enquêtes antérieures ont révélé un manque de préparation aux cyberattaques et à la désinformation. Seulement 25 % des personnes interrogées dans le cadre du Rapport sur les risques mondiaux 2022 avaient mis en place des mesures efficaces ou établies d’atténuation des risques liés aux cyberattaques et à la désinformation transfrontalières.

Méfiance croissante à l’égard des institutions publiques

Cette reconnaissance croissante de la désinformation est liée à la baisse de confiance dans les institutions publiques, ce qui crée un contexte instable pour les entreprises. Un rapport du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies montre que les pays développés ont connu une baisse marquée de la confiance dans les institutions. Aux États-Unis, par exemple, la confiance dans le gouvernement national est passée de 73 % en 1958 à 24 % en 2021. Depuis les années 1970, l’Europe occidentale a connu une baisse régulière semblable de la confiance du public dans les gouvernements nationaux.

Les gouvernements ne sont pas les seuls à être remis en question. Le même rapport du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies montre que la confiance dans les institutions financières a également baissé en moyenne de 9 points de pourcentage, passant de 55 % à 46 % au cours de la même période. Un rapport publié en 2022 par Forrester, une société de recherche et de conseil, révèle que seuls 2 % des marques financières sont considérées comme « fortes » par les consommateurs américains, et 57 % comme « faibles ».

Un paysage des médias sociaux en évolution

Les entreprises évoluent également dans un nouveau paysage de plateformes de médias sociaux. De plus en plus, les guerres sur les plateformes de médias sociaux débordent sur la vie réelle. Les technologies courantes qui nous relient peuvent être utilisées à des fins néfastes, qu’il s’agisse d’émeutes en Irlande ou de violence au Myanmar et en Inde. Seules la réglementation et l’éducation permettent de faire face à ces menaces. L’importance de ce défi pour les décideurs politiques, la démocratie et la stabilité sociale réside dans la manière dont les idées sont présentées à grande échelle.

Malgré toutes les préoccupations au niveau réglementaire, le Rapport sur les risques mondiaux 2023 prévoit que la réglementation et l’éducation « ne parviendront probablement pas à suivre le rythme » d’une « utilisation plus répandue de l’automatisation et des technologies d’apprentissage automatique, depuis les robots qui imitent les textes écrits par des humains jusqu’aux hypertrucages de politiciens ».

En fin de compte, même si les plateformes affirment qu’elles s’efforcent de lutter contre la diffusion de mésinformation et de désinformation, il est peu probable que la menace de la diffusion de fausses vérités par les utilisateurs sur les plateformes sociales disparaisse. Les chercheurs ont identifié le principal facteur de propagation des fausses nouvelles : les plateformes sociales récompensent les utilisateurs qui partagent des informations plus régulièrement. De plus, ceux qui partagent des contenus sensationnels suscitant le plus de réactions sont les plus récompensés.

Les entreprises doivent être plus proactives

L’année 2024 sera charnière pour les élections, ce qui signifie qu’elle pourrait aussi être une année record pour la désinformation. Quelque 40 pays représentant 3,2 milliards de personnes se rendront aux urnes, dont les États-Unis, l’Indonésie, le Royaume-Uni et Taïwan, créant ainsi davantage d’incertitudes et de risques pour les entreprises du monde entier.

Alors que la confiance dans les institutions traditionnelles n’a jamais été aussi faible et que les capacités de l’IA n’ont jamais été aussi puissantes, les 12 prochains mois pourraient être plus difficiles à prévoir que jamais. Nous nous attendons à ce que la désinformation interagisse avec d’autres risques à court terme, exacerbant et aggravant d’autres crises. À mesure que les outils deviennent plus intelligents, nous pouvons nous attendre à d’autres implications pour les entreprises. Les dirigeants devront évaluer avec précision la manière dont la désinformation peut amplifier d’autres risques, tout en élaborant des plans fermes pour les combattre. D’une manière générale, les entreprises devront être plus proactives dans l’anticipation et l’atténuation des risques posés par la désinformation et la mésinformation.